Chérie j'ai rétréci la caisse !

Messerschmitt KR, comme Kabinen Roller pouvant se traduire par Scooter Cabine... Schmitt ou KaRo pour les inconditionnels !
C’est avec l’excitation du gosse devant le manège que je me retrouve face au Schmitt. Avant d’attraper le pompon, je fais le tour de ce sacré engin. Quelle gueule ! Si l’on fait abstraction de la connotation aéronautique due à la bulle du cockpit, on peut trouver quelque influence aquatique dans le dessin de ce KR-là. Cette bouille ahurie de batracien ou de gros poisson-chat, cet arrière fuselé dont le capot une fois levé le fait ressembler à un gros mérou qui baille…
Bon, première précaution avant de s’introduire à bord, vérifier qu’il y a suffisamment de place à droite pour basculer le cockpit. Je déverrouille la petite poignée, soulève la verrière, prends garde que la sangle qui la retient ne s’accroche pas sous le "vodon" ou le "guilant", c'est comme vous préférez.

Avec l’aisance du félin fourbu, je lance ma jambe droite devant le siège de poupée, plie mon presque double mètre, ramène ma canne gauche et descends dans la cabine en prenant appuie sur les bords du fuselage. Ah, l’aéronef, grand-père, ça ne s’improvise pas !
Je découvrirai plus tard qu’un système de parallélogramme permet d’articuler le siège pour faciliter l’accès du pilote. Le dit siège n’est pas du reste surdimensionné, notamment au niveau du dossier étroit permettant à la passagère de venir placer ses fines jambes fuselées autour du conducteur. Wouah ! il me plaît de plus en plus ce Karo. Notez que la banquette arrière, relevable elle aussi, permet d’accueillir en plus de la passagère susnommée un jeune enfant à ses côtés. Ben oui, ce sont des choses qui arrivent… Délicatement je referme la bulle (sans la coincer), verrouille le loquet (et me dispense de la chevillette), et débute la check-list. Devant le guidon de bakélite blanc, la planche de bord en tôle découpée pour laisser passer les jambes, présente une instrumentation assez complète pour un véhicule à vocation économique. À gauche se trouve le starter, le bouton de commande des clignotants et celui d’éclairage, sans oublier un cendrier kitchissime (ce n'est rien mon chéri, Papa fume). Au centre sous le moteur d’essuie-glace, un emplacement destiné à recevoir un autoradio (je ris), et à droite le tachymètre et deux voyants, l’un comme témoin de charge, l’autre indiquant l’enclenchement de la marche arrière ! Car raffinement suprême, pour reculer, il faut éteindre le moteur, enfoncer la clé de contact et redémarrer, faisant ainsi partir le moteur à l’envers et disposer de 4 rapports en arrière… Pratique pour manœuvrer !

Avant toute sollicitation de la mécanique, il faut se tourner pour faire pivoter le robinet d’essence situé proche de la banquette, ce qui donne une nouvelle occasion de frôler les frêles épaules de la passagère. Petpetpet, c’est parti, le bruit à l’échappement est aussi érotique qu’une nuit en garde-à-vue. Par chance, l’huile moderne utilisée permet de réduire le pourcentage de graissage du mélange et diminue ainsi le panache bleu et puant caractéristique des bons vieux 2 temps. J’ôte le frein à main – une tige crénelée appuyant sur la pédale de frein, enfonce mon pied gauche, tire le sélecteur à droite d’un cran vers le haut et, avec l’assurance de Von Richtoffen, j’arrache l’appareil du sol. Enfin presque… Vite, seconde en poussant vers le bas, les vieux réflexes motocyclistes reviennent vite, la boîte du Schmitt disposant de rapports en ligne (ici quatre) avec point mort entre la 1 et la 2, comme toute bécane qui se respecte. Toutefois, une curieuse mais bien pratique gâchette permet ici de retrouver instantanément le point mort. Le petit compteur indique maintenant 70 km/h et poursuit son ascension obstinée. La direction est ultra-vive et il est prudent de ne pas se crisper sur le guidon mais de laisser l’engin voguer sur la route, une main légère rétablissant le cap. Idem dans les virages où tout geste brusque risque de vous amener au ciel. Normal avec un Messerschmitt ! Cet engin déroutera les caisseux et ravira les motards. Comme sur une bonne vieille meule, il faut peaufiner les trajectoires, se pencher dans la courbe pour transférer les masses, contrôler les embardées provoquées par les freins à câbles, et supporter le barouf du pisse-feu qui gueule dans votre dos. Pour ma part, je n’échangerai pas ma place contre un essai de la dernière Lapanzani de 700 ch. Tic, manette point mort… Blamblam, coup de gaz… Scroutch, rétrogradage en souplesse, j’enquille les ronds-points au millimètre jusqu’au délestage du train avant.

Je me régale les amis ! Certes, on roule à 80 km/h. Certes il faut se lancer dans les descentes pour avaler les faux plats, mais la banane des gamins et de certains automobilistes associée à son propre plaisir vaut bien quelques frayeurs quand un 38 tonnes vient à doubler en montrant ses essieux.
Le seul truc manquant sur le Messerschmitt ? Peut-être l’impossibilité de faire des loopings !

Member discussion